Toujours rien d’autre que des immeubles à perte de vue. J’ai beau me trouver en hauteur, je ne vois pas à plus de quelques kilomètres. Foutu smog. Je dis ça, mais je l’alimente, à mon échelle. J’allume ma modeste contribution et inhale le tabac synthétique. Il n’y a plus que ça qui me fait tenir. J’en consomme peut-être trop, il parait que c’est mauvais pour la santé au-delà de vingt par jour, et j’en suis à cinquante. Mais la clope n’aura pas le temps de me tuer. Je contemple le paysage en attendant qu’elle se consume.

Devant moi, les gratte-ciels se font la compétition de celui qui touchera les nuages en premier. Des néons géants affichent les noms de marques dans des caractères chinois. Ah, c’est du japonais. Même traduit, je ne comprends pas les mots. De toute façon, ils appartiennent certainement à des enseignes fermées depuis des lustres. Des années que la pub par néon n’existe plus, mais ça coûterait trop cher de les virer, alors ils restent là, ravis de briller même en plein jour, en particulier dans la nuit permanente des bas quartiers.

Des dizaines de milliers de fenêtres sont éclairées, la plupart sans volets occultants. Je vois distinctement ce qu’il se passe dans l’immeuble d’en face, malgré les deux cents mètres qui nous séparent. De toute façon, j’aurais pu le deviner. Un vieux type est là, avec sa femme et deux gosses, le regard torve. Ils fixent le plafond sans le voir, enfoncés dans leur fauteuil. Ils vivent plus dans la réalité, mais sont coincés dans leur palais virtuel. Ce ne sont plus que des fantômes dans le vrai monde, des coquilles vides plongés dans leurs pensées. Ça me dégoûte de penser que j’ai été comme eux, à un moment.

Je jette un œil en contrebas. Ça doit faire plusieurs kilomètres de hauteur, ça. La chute ne serait pas agréable. Je ne vois aucune rue, juste les toits d’immeubles moins hauts que celui sur lequel je me tiens. Pourtant il y en a, des rues. Des avenues gigantesques, qui prennent des minutes rien que pour être traversées. J’imagine que l’altitude confond la perspective. Un vertige me prend d’un coup. J’ai pas été malin de me pencher autant, mes lèvres se sont crispées sur la cigarette. Un peu plus et je la sectionnais.

Une notification retentit dans ma tête et je me redresse. Je cligne deux fois des yeux, et subitement le monde autour de moi se transforme. Des écrans d’holo-pub gigantesques s’affichent sur la paroi des immeubles, les fenêtres deviennent opaques et mon interface s’affiche. L’annonce du jeu concours des canettes de Pommera se confond avec mon affichage tête haute. J’étais pourtant sûr qu’il y avait des lois contre la pollution de l’ATH. Je fixe le sol pour voir d’où vient la notification, virant deux pop-ups au passage.

Astvaar veut me contacter. J’accepte la requête entrante, et son image s’affiche directement devant mes yeux. Il se trouve à des centaines de kilomètres, mais je distingue chaque détail de son visage, la moindre aspérité, la moindre imperfection. Puis l’image se trouble, sa peau brune devient lisse et ses boutons comme ses cernes disparaissent. Il me fixe de ses yeux marrons, lui aussi doit avoir mon visage projeté dans l’air. Il est dans son centre d’opérations, entouré de dizaines d’ordinateurs d’un autre âge et de machines plus modernes. Les écrans clignotent derrière lui, les trois quarts en veille, le reste couvert de texte, de rapport trop petit pour que je les lise et de vidéos diverses.

— T’en es où ? me lance-t-il

— Toujours dans la partie asiatique. Je crois que j’ai enfin quitté la ville chinoise pour arriver au Japon, en tout cas d’après les néons. Je t’envoie un log détaillé dès que je me pose.

— T’as vu quelque chose ?

— Des gratte-ciels, des gratte-ciels et… des gratte-ciels. Il n’y a pas de fin à cette putain de ville, rien d’autre que du gris et du noir, avec quelques néons. Tiens, t’en veux une bonne ? Je suis monté sur celui-là parce que dans la rue il y avait une plaque qui acclamait le plus haut immeuble du monde. Et ben regarde ça.

Je retourne la vue pour qu’il voie par mes yeux. Il a le même rire jaune que moi en débarquant sur le toit. La vue est un peu dégagée, c’est vrai, mais des immeubles plus hauts, il n’y a que ça. Sans parler du mastodonte sur la gauche qui doit bien faire le triple de la hauteur. Mais c’est dur à estimer, depuis le sol.

— T’aurais pu te douter que s’il y avait une plaque physique, c’était un vieux bâtiment.

— C’est pas faux.

— Et… eux ?

— Aucune nouvelle de tes fantômes. Tu sais, je croise pas beaucoup de gens dans la rue, alors si je voyais quelqu’un qui n’est pas connecté au réseau, je le remarquerais.

— Si tu le dis. Tarde pas trop, j’ai quelque chose à annoncer à tout le monde ce soir, à 17h PST.

— J’ai droit à une petite exclu ?

— Pas de favoritisme, sinon tu vas finir par croire que je t’aime bien.

— Ah oui, quelle horreur. À tout à l’heure, donc.

Je clos la communication et me déconnecte du réseau. Malgré sa parano qui lui fait constamment penser qu’on est traqués par des agents du gouvernement, Astvaar est un héros pour moi. C’est lui qui m’a sauvé à l’époque où j’étais encore obnubilé par le Ne3. Je vivais une vie de chasseur de prime sur Starfarer, un pauvre type qui gagnait à peine de quoi conserver son abonnement et manger deux repas par jour. Heureusement qu’il m’a contacté dans le jeu pour m’ouvrir les yeux. Lui, Nykolas et TTt avaient infiltré l’univers pour y diffuser leur campagne d’information, et ils avaient besoin de quelqu’un capable de gagner des accès au centre de diffusion général. Ils m’avaient engagé pour mes services, mais leur discours me toucha particulièrement. Après leur coup d’éclat qui me valut le bannissement permanent des serveurs, j’ai rejoint leur cause.

C’était Astvaar qui avait ouvert les yeux en premier, réalisant l’aliénation vers laquelle notre civilisation se dirigeait. J’étais le quatrième qu’il avait recruté dans sa croisade pour reprendre nos vies en main. Désormais, on est plusieurs centaines. Le cyber-activisme est très mal vu, dans le Ne3, et il n’a pas fallu longtemps pour qu’on ait des ennuis et qu’on doive se déconnecter. Astvaar et TTt étaient deux talentueux hackers, ce qui se fait rare de nos jours. Ils ont effacé nos traces pour nous recréer une nouvelle identité, vierge aux yeux du réseau. Depuis, on est partis chacun de notre côté, on ne se sert du réseau que pour communiquer, mais la plupart du temps on en est coupés, même les implants oculaires sont désactivés, pour voir la réalité du monde.

On veut se barrer. Sortir de la ville, trouver ses limites. Tout est automatisé, et pas moyen de pénétrer les niveaux de chiffrement des bases de données où pourraient se trouver des cartes à jour de la ville. Alors, on fait à l’ancienne. On crée nos propres cartes, en se baladant et en enregistrant nos environs. On se connecte aux nœuds centraux de chaque localité, qui nous donnent l’arborescence des sous-nœuds qui se connectent à lui ainsi que leurs coordonnées, ce qui nous permet de dessiner une géographie relativement précise sans devoir tout consigner péniblement. On collecte les données qu’on peut, et on avance. Ce n’est pas possible que la ville recouvre toute la planète, quelqu’un finira bien par en voir le bout. Même un parc, un petit espace vert nous suffirait, pour commencer. Mais en trois ans, on n’a jamais eu le moindre succès.

Aussi étonnant que ça puisse paraître, personne n’a abandonné. Certains ne repoussent plus les frontières de notre carte, mais se contentent de renforcer ses mailles. D’autres se sont installés, à l’image d’Astvaar et TTt, pour creuser les secrets du réseau. Abandonner, ça veut dire se reconnecter. Retourner dans le virtuel en acceptant la condamnation imminente. Les gens qui sont prêts à accepter ça ne nous ont jamais rejoints en premier lieu. En revanche, il y a eu des pertes, ce qui a renforcé la parano déjà maladive d’Astvaar. Nyrelle notamment, celle qui a embarqué dans l’aventure avec moi, après l’épisode Starfarer. À cinq, on formait une sorte d’exécutifs de l’organisation. Même si on n’avait pas de chefs officiels, il fallut trouver des coordinateurs une fois que nous avions un nombre de membres conséquent. C’est tombé sur les cinq plus anciens, un peu comme ça.

Nyrelle était impatiente de quitter l’étouffement de la ville. Peu après sa déconnexion, elle a sauté dans un train magnétique, qui allait tout droit dans une direction où aucun d’entre nous ne se trouvait. On a perdu son contact au bout de quelques minutes. Elle n’est jamais réapparue. Dans un monde hyperconnecté, elle s’était purement et simplement volatilisée. Le même sort frappa tous ceux qui tentèrent de participer à notre cause en usant des transports en commun. Parfois ils revenaient, mais changés. De retour dans le Ne3, ils n’avaient plus le même caractère et restaient insensibles à nos arguments, même ceux qui étaient la veille de fervents partisans. Difficile de ne pas soupçonner de la magie à l’œuvre, d’autant que rien n’arrivait à ceux qui empruntaient les mêmes transports avec comme simple but de se rendre à une destination précise.

Depuis, on marche. C’est beaucoup plus lent, la ville n’est pas pensée pour être traversée par les piétons, mais personne n’a jamais disparu en marchant, alors on s’en contente. Certains ont des hoverboards ou des voiles et se déplacent de toit en toit. Les voltigeurs, on les appelle. Ou les casse-cous. Leur vitesse est incomparable, mais cela demande un trop grand niveau de maîtrise pour ma vieille carcasse. Moi, je préfère marcher.

Ma clope s’est entièrement consumée. Je l’éjecte dans le vide d’une pichenette et fais volte-face. La pause est terminée, il est temps de s’y remettre. Les couloirs de l’immeuble sont déserts. J’emprunte les escaliers sur plusieurs étages et en profite pour faire un petit tour, mais je n’y trouve que des bureaux déserts et des drones ménagers. Je termine ma descente par l’ascenseur, je ne tiens pas à prendre la journée à dévaler les 341 étages. C’est déjà assez long comme ça. J’ai le temps de piquer un roupillon avant d’arriver. L’automate réceptionniste me souhaite une excellente continuation lorsque je passe la porte, ne réagissant même pas à mon doigt d’honneur. Ça ne sert à rien, mais ça défoule.

La rue n’est pas beaucoup plus animée. Les véhicules autonomes roulent à toute vitesse dans un ballet coordonné. Ils ne ralentissent jamais, leur intelligence artificielle collective évaluant constamment le trafic et adaptant les trajets en fonction du temps le plus court. Non pas que ça leur change grand-chose, à ces robots de chair qui réalisent à peine ce qui leur arrive. S’ils vont voir des amis, ils sont déjà chez eux à partager l’apéro virtuel. Je n’imagine même pas à quoi ressemblent les hypervoies souterraines qui courent sous la ville sur plusieurs niveaux.

Je ne suis pas seul sur le trottoir, cependant. Il m’arrive de croiser des piétons aux yeux vides, traînant les pieds et l’esprit réfugié dans leur pseudo-paradis numérique. À tous les coups des jeunes ne voyant pas l’intérêt dans l’achat d’un véhicule effectuant leur sortie annuelle. Ce qui me surprend le plus, c’est que leurs jambes ne soient pas atrophiées par l’inaction chronique. Quand je suis hors du réseau, ils sont incapables de me voir, comme si j’étais un fantôme. Leurs capteurs oculaires les incitent à éviter ma position, mais ils ne conceptualisent même pas les pas de côté qu’ils effectuent. Je me demande à quel moment nous avons échoué, en tant que société. Les esprits s’épanouissent dans l’abrutissement, tandis que les corps sont laissés au soin d’automates et de capteurs qui contrôlent chaque mouvement, peut-être même certaines pensées. Ils sont si vulnérables, ces passants, je pourrais leur faire ce que je veux sans qu’ils ne le réalisent jamais.

Je progresse à bonne allure, aujourd’hui. La rue est en ligne droite, sans virage. Je parcours deux blocs aussitôt ajoutés à la carte globale, les yeux sur ma montre. Il va bientôt être l’heure. Il y a des hôtels, mais leurs prix sont abusifs et automatisés. Une vraie prise de tête, surtout quand des techniques alternatives existent. Je m’arrête devant un bâtiment à l’apparence moderne. Les plus faciles sont ceux-là, ou les très vieux, mais pour le confort il n’y a pas photo. La porte automatique s’ouvre avec une douce mélodie et une voix féminine me souhaite la bienvenue. Dans l’ascenseur, j’entre le numéro du dernier étage. J’ai de la chance, il est indiqué à côté sur la feuille plastifiée. C’est si pénible de devoir deviner sans même connaître la taille du bâtiment.

Un bon choix, bien mieux que celui sur lequel je m’étais arrêté tout à l’heure. L’étage 476 est un étage de maintenance, servant d’entrepôt pour les robots épuisés et l’accès au toit. Trop haut donc. Je descends une volée de marches pour atterrir dans un couloir d’immeuble ordinaire. Les portes des appartements se suivent et se ressemblent. Elles seraient des copies conformes si ce n’était pour le numéro incrémental peint en blanc sur le bleu pastel. Par défaut, je m’approche de la porte 47-804. Bingo, c’est une porte de proximité. TTt a conçu un programme redoutable pour les ouvrir. Je lâche la bête informatique dans la maille locale. Elle ne perd pas de temps pour trouver les occupants de l’appartement, et infecte le premier venu. Le programme va lui suggérer une idée simple et inoffensive qui ne va pas être repérée par la sécurité de ses implants neuronaux. L’une des versions précédentes prétendait à une livraison de pizza, mais la confusion une fois la porte ouverte provoquait trop de résultats imprévisibles.

En quelques instants, la porte s’ouvre, révélant derrière un gros homme au yeux vitreux. Il est debout, immobile et ne réagit pas quand je m’invite chez lui. C’est un appartement coquet, qu’il partage avec sa femme affalée sur le divan. Une grosse araignée lui escalade le visage. Une mygale visiblement. Elle n’a pas l’air agressive, elle est peut-être apprivoisée. Je note de faire attention à elle si je dors ici. J’ai encore un peu de temps devant moi, alors je commence par la cuisine. Les courses doivent être récentes, le frigo est plein à craquer. Je sélectionne une tourte « au vrai goût de champignon » et la passe au micro-ondes. Je n’aurais pas été contre cuisiner un peu, mais ce couple n’a l’air de ne se nourrir que de plats préparés, ce qui explique leur surpoids à la limite de la morbidité.

Mon plat dans les mains, je m’installe dans la pièce attenante au salon, une sorte de petit bureau qui n’a pas dû servir depuis des années, s’il a déjà servi. Tout est lustré et brillant, sans la moindre marque d’usage. Je m’installe dans la confortable chaise en faux cuir et fais face à la ville, alors que le visage d’Astvaar apparaît sur le mur vitré. Il a l’air tendu, c’est étrange. Astvaar n’est jamais tendu. Flippé, stressé ou affolé, oui, mais pas tendu. Son annonce doit être véritablement importante pour qu’il révèle un nouveau pan de sa personnalité.

— C’est bon, tout le monde est là ? Il manque qui, Fraid et Jalil ? Ils rattraperont, c’est pas grave. Ahem. Mes chers amis, vous qui parcourez cette ville dans l’espoir d’en trouver la fin, de nous dénicher un asile naturel, bonsoir. Pendant ces trois dernières années, j’ai eu l’honneur de coordonner ce projet et je n’ai jamais cessé d’être épaté par les individualités phénoménales que chacun de vous… Et puis merde, désolé Nykolas, mais les discours c’est pas pour moi. En bref, les gars, je vous aime, et j’aurais jamais pu aller aussi loin sans vous.

» Si je vous ai convoqué en cette timezone, c’est pour vous faire une annonce de la plus haute importance. Avec TTt et Baurj, on a découvert quelque chose en fouillant les nœuds capitaux. Des traces d’un très vieux protocole de communication, qui date de bien avant nos naissances : l’Internet. Ce qui nous a étonné, c’est qu’il est encore en activité, et qu’il est relayé partout dans la ville, chaque nœud possède son relai Internet.

— Excuse-moi Ast, mais comment ça se fait qu’on en entende parler que maintenant, s’il est présent partout ? On n’aurait pas déjà dû le capter ?

— T’as une idée du volume de données qui transite à chaque fraction de seconde sur un seul nœud, Faust ? Si on sait pas précisément ce qu’on cherche, c’est impossible de trouver le bon paquet. Alors intercepter quelque chose dont on a même pas idée de l’existence, je te laisse imaginer. Bref, après avoir appris ça, on a réussi à s’y connecter. Il faut passer par une machine physique, le Ne3 a pas d’accès à Internet, même si l’inverse est partiellement vrai. Post-compatibilité, les gars, ça c’est ce que j’appelle du beau travail ! Mais je suis pas là pour parler du génie technique de l’Internet.

» Il fonctionne avec des sites, des genres d’instances statiques hébergées sur des machines physiques qui ne contiennent que du texte et des images, grosso modo. Il se trouve que la quasi-totalité de ces sites ne sont plus accessibles de nos jours, la faute à l’extinction des serveurs. Mais il y a encore une cellule active, sur Internet. Un groupuscule qui se fait appeler les Gardiens, et qui serait sous l’égide du Haut Conseil. Ouep, une institution gouvernementale qui aurait pignon sur rue dans une instance d’un vieux protocole oublié, c’est là que j’ai su qu’ils mythonnaient pas. Et le plus beau est encore à venir.

» D’après ces Gardiens, la planète attire toujours plus d’astéroïdes et de petits planétoïdes pour les assimiler et s’agrandir, leur mission étant de s’assurer que les nouveaux ajouts ne soient pas dangereux pour la ville, en se rendant sur place quand besoin est. Vous avez bien entendu, ils vont dans l’espace. Le voyage spatial, les gars, c’est pas qu’un mythe ! Ils ont des vaisseaux, de quoi se balader en orbite tranquilou bilou, vous imaginez ? Si on en a un comme ça, on fera tout tellement plus facilement ! Et si jamais notre sanctuaire se trouve pas sur notre planète, il doit en exister des dizaines, vierges de toute souillure industrielle. Il y a l’adresse sur le site, les plus proches sont Nykolas et Faust, je vous envoie les coordonnées de leurs bureaux. Je les ai déjà contactés, et j’attends leur réponse, mais allez les voir directement, on peut pas laisser passer cette opportunité !

La bonne humeur d’Astvaar était communicative. Ses auditeurs s’étaient déjà répartis en une kyrielle de cellules de discussions et débattaient de la nouvelle. Certaines voix s’élevaient contre, mais la plupart étaient favorables au contact avec ces Gardiens. J’ai personnellement du mal à y croire. Il existe des vaisseaux dans le ciel capables d’aller dans l’espace, et on aurait loupé ça alors qu’on a tout le temps le nez vers les nuages ? Quand bien même la vue est souvent obstruée par les tours gigantesques, ça me paraît gros. Dès demain, j’irai sur place pour en avoir le cœur net.

L’excitation m’empêche de dormir, cette nuit-là. Je salue la mygale et quitte l’appartement. Je monte sur le toit de l’immeuble, une terrasse minuscule balayée par les vents qui soufflent entre les bâtiments. J’essaie de discerner quelque chose dans le ciel, mais je ne vois rien d’autre que les nuages et un ciel dépourvu d’étoile. Je m’imagine un temps là-haut, est-ce vraiment une échappatoire ? Qui nous dit que la ville n’est pas aussi infinie dans cette direction ? J’avais presque fait la paix avec l’idée que je n’atteindrais pas la sortie de mon vivant, et voilà qu’un espoir insensé changeait entièrement ma perspective.

Je reste un long moment là, à contempler le ciel. Il fait froid, glacial même, ça me donne l’impression d’être vivant. On ne ressent pas les températures dans le climat aseptisé et contrôlé plus bas. Juste avant de m’endormir, j’aperçois dans le ciel un point lumineux, qui se déplace à grande vitesse. C’est ça qu’on appelle une étoile filante ?

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