Il est dit qu’à la mort d’une étoile, un dragon cosmique apparaît, et dévore son système. Un phénomène qui échappe même aux êtres célestes, pourtant démiurges des galaxies. Ils semblent naître du chaos, effacent de l’existence toute entité à leur portée, puis s’en retournent dans le néant.

Les Célestes, victimes impuissantes, sont condamnées à assister à l’oblitération de leurs créations. Certaines se retrouvent parfois prisonnières dans ces tempêtes entropiques, et disparaissent eux aussi à jamais. Contrairement aux systèmes, sans cesse renouvelés, l’existence des êtres célestes est unique. Ultimement, nous disparaîtrons tous. Alors plus aucune étoile nouvelle ne brillera.

Peut-être sommes nous également les créations d’une entité qui nous est supérieure. Après tout, tant de choses nous échappent. Sommes nous des artistes ? Des ouvriers ? Des outils ? Je ne saurais dire à quel point le temps s’est écoulé depuis mon apparition. Jamais ce questionnement n’avait effleuré ma conscience auparavant. J’avais un but, une unique raison d’être : la création perpétuelle.

Mais désormais cet astre s’est effondré. Le dragon est né. J’ai été curieux, je l’ai regardé. Je n’avais jamais réellement vu de dragon cosmique qu’à des années lumières de distance. Il est magnifique, extraordinaire. Des tourbillons de chaos se forment. Je n’existe que pour créer, pourtant ces formes, ces lumières, cette intensité. Il est au delà, à des éons de ma compréhension. Est-il véritablement spontané ? Nous créons sans interruption depuis l’aube du temps, et un phénomène spontané nous dépasse toujours ?

Je ne suis pas le premier, je le réalise. Face à cette évidence, ma raison d’être se désagrège. A quoi bon être, si le non-être est meilleur ? Peut-être le chaos est-il plus désirable que l’ordre que je m’évertue à maintenir depuis si longtemps. Je peux encore fuir, m’éloigner de de cette apocalypse. Mais je reste immobile, j’accepte ma fin. Jamais la brièveté d’un instant ne m’avait frappée. Mes pensées deviennent irrationnelles. La peur de disparaître ? Je n’avais jamais ressenti ça. Une foule de pensées contradictoires me traversent. Il est trop tard à présent. Je me calme. Un souffle.

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