Le vengeur d’Horus surveillait silencieusement la rue, perché sur une cheminée si haute qu’il était facile de le manquer. Heureusement, le groupe d’Alexei avait d’excellents éclaireurs. Si le robot n’avait pas été repéré, il n’y aurait eu aucun survivant. Créés pour la guerre, les vengeurs étaient des machines de mort implacables. Tout dans leur être était pensé et optimisé pour la tuerie de masse. Qu’importe le nombre de ses adversaires, si un vengeur arrivait à portée, il faisait un carnage.

Au moins, leur intelligence primaire ne les avait pas fait rejoindre les autres machines lors du Soulèvement. A la place, ils s’étaient éparpillés à travers le pays, s’improvisant gardiens de leurs territoires, craints à la fois des humains et des machines. Rien n’échappait à leur vue et leur ouïe surdéveloppées, ce n’était même pas la peine d’imaginer pouvoir passer inaperçu en traversant discrètement la rue.

C’était si frustrant de voir la pharmacie si proche, et pourtant inatteignable. Ils ne pouvaient pas abandonner maintenant, pas plus qu’ils ne pouvaient sacrifier le moindre individu. Engluée dans une guerre qu’elle était en train de perdre, l’humanité était au bord de l’extinction, inutile de la précipiter dans le gouffre par des actions désespérées. Alors que ses hommes le dévisageaient, en attendant qu’il trouve une solution qui ne venait pas, son transmetteur s’activa.

“Chef, le groupe de Boris va créer une diversion. Vous aurez une fenêtre assez courte, alors dépêchez vous !”

Finalement, la solution était venue d’ailleurs. Il ignorait quelle genre de diversion Boris avait en tête, mais il avait toute confiance en cet homme bourru. Si l’un d’entre eux était capable d’attirer un vengeur et d’y survivre, c’était lui. Au bout de quelques minutes d’attente, le vengeur d’Horus se retourna brusquement pour fixer un point perdu dans la brume, puis prit son envol, sa lourde lance découpant une silhouette lugubre qui disparut rapidement.

C’était leur fenêtre. Sans s’embarrasser de plus de précautions, Alexei et la dizaine d’hommes sous ses ordres se précipitèrent de l’autre côté de la rue. La pharmacie n’était pas tout à fait hors du champ de vision du perchoir du vengeur, mais au pire des cas, elle devrait avoir une autre sortie qui n’était pas mentionnée sur les plans.

Ils ne prirent pas la peine de sélectionner les médicaments. Les médecins lui avaient bien fourni une liste, mais il était plus simple de tout embarquer et de sélectionner plus tard. La tension ambiante était palpable. Personne ne parlait, chacun se concentrant pour réaliser sa tâche le plus rapidement possible. Le commandant les laissa piller les médicaments les plus communs et s’aventura dans l’arrière boutique, à la recherche des produits plus spécifiques. Le contenu des frigos était inutilisable, mais il dégotta une mine de ressources dans ce qui devait être la réserve. Un voyage ne suffirait probablement pas, quel dommage.

“Chef, vous n’avez plus beaucoup de temps. J’ai perdu le contact avec Boris, vous devez être partis dans les minutes à venir !”

Ils avaient fini, de toute façon. Alexei souleva son sac plein à craquer et retourna dans la salle principale. Il n’avait vu aucune autre sortie sur son chemin, hélas. Dans la pharmacie, ses hommes étaient tous immobiles, le souffle coupé par la peur. Le vengeur se tenait dans l’entrée, les observant silencieusement. Son regard doré volait de l’un à l’autre, comme s’il était en train de sélectionner sa proie. Alexei remarqua que, même les ailes repliées, il était trop large pour passer à travers la porte.

C’est pourquoi il la défonça. Les vitres de part et d’autre volèrent en éclat. Les hommes eurent à peine le temps de réaliser ce qu’il se passait que deux d’entre eux gisaient déjà au sol, décapités. La bête poussait un hurlement terrifiant qui semblait appartenir à un démon. Dans un réflexe désespéré, les survivants sortirent leurs armes et tirèrent des balles qui ricochaient sur l’armure de métal du vengeur qui dansait dans la mêlée, fauchant les vies à une vitesse extraordinaire.

Très vite, il ne restait plus qu’Alexei, paralysé par la peur, et le vengeur d’Horus, qui mit fin à sa folie meurtrière pour détailler la dernière de ses proies. Il était majestueux, une merveille de technologie. Ses plumes de kevtal lui procuraient une résistance presque totale aux balles, et sa face était protégée par une couche d’or. Certains avaient pu être abattus par le passé, mais avec la puissance de feu dont disposaient les humains désormais, la créature de métal était invincible. Sa longue queue battait l’air derrière elle comme un fouet, lacérant le visage des soldats tombés sans qu’il ne s’en rende compte.

La lance qui lui transperça le corps était aussi magnifique, à sa manière. Faite d’un seul bloc, elle était tellement lourde qu’il fallait une force prodigieuse rien que pour la porter, et pourtant le vengeur la maniait avec une fluidité sans pareil. Ces médicaments, le refuge en avait besoin, il n’aurait pas dû mourir ici. À demi inconscient, il entendit la voix de son éclaireur. Mais son transmetteur n’était pas allumé. Elle venait du vengeur.

“Désolé, chef.”

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